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écrit: hiver 2023



Extrait d’un entretien avec Michel Perraudeau, mené par Fanny Bancillon, pour La Concorde, une revue des Deux-Sèvres. Il doit paraître courant 2023. 



F B : Pourquoi avoir choisi l’écriture ?


M P : L’écriture n’est pas mon métier mais elle fut et reste présente, quotidiennement, pour moi. 

En fait, l’écriture est venue pour une raison assez simple : j’ai eu envie d’écrire les livres que je ne trouvais ou sur les thématiques qui n’existaient pas ou qui n’étaient pas suffisamment vulgarisées. J’ai donc écrit plusieurs ouvrages de psychopédagogie dont certains sont toujours utiles pour les étudiants et les futurs professeurs. Puis, je me suis éloigné du champ professionnel pour m’intéresser à l’histoire des idées et enfin à l’histoire tout court. 

Je développerai l’importance de l’histoire, après avoir dit un mot sur l’écriture de la poésie. Depuis très longtemps, j’écris de la poésie. A ce jour, je n’ai publié qu’un seul recueil, La Geste poitevine, vaste poème de 4.500 vers octosyllabique qui a obtenu, en 2020 en Vendée, le prix littéraire Charette. Livre pour lequel mon ami Michel Onfray a eu l’amabilité de rédiger une belle préface. 

L’écriture est indissociable de la lecture. Je lis, je relis, énormément, de Rabelais à Flaubert, de Rutebeuf à Pérec. Je précise que je considère la BD et le polar comme aussi honorables que le roman classique ou la nouvelle. Il me semble que Simenon est le Balzac du XXe siècle. On apprend davantage dans les romans policiers que dans les traités de sociologie ! A cet effet, je conseille de (re)lire Jean-Patrick Manchette, Jean-Bernard Pouy ou A.D.G. Et je n’oublie pas la poésie avec, notamment, Daniel Biga ou Xavier Grall. Les étrangers ne sont pas en reste avec, entre autres, Cervantès, James Joyce, Maïakovski, Soljenitsyne ou Jack Kerouac.



F B : Pourquoi est-il important de se plonger dans l’histoire ?


M P : Il me semble qu’il serait audacieux de tourner le dos à l’histoire. Elle permet, me semble-t-il, de mieux comprendre le présent. L’histoire concerne autant le passé de sa propre famille que les origines du pays natal ou celles des idées. Ceci étant, je ne suis pas un historien académique. Je suis ce qu’Albert Sorel nommait un « historien improvisé ». Parmi les livres d’histoire que j’ai écrits, j’en retiens particulièrement trois, pour cet entretien, que je peux présenter succinctement. L’un sur l’histoire des idées, le deuxième sur mon histoire familiale, le troisième sur l’histoire de la poésie. 


En 2012, j’ai publié Anselme Bellegarrigue, le premier des libertaires (éditions Libertaires). Il s’agissait de revenir aux sources du mouvement libertaire qui n’a pas commencé avec Proudhon comme on le pense mais avec Bellegarrigue, un Gersois parti, au XIXe siècle, s’installer au Salvador et créer une université de droit. On savait peu sur lui, ses dates étaient fausses, on lui attribuait des actions qu’il n’a jamais faites et même son portrait était celui d’un autre ! J’ai alors cherché et retrouvé – en partie grâce à internet – ses descendants au Salvador, aux Etats-Unis et aussi en France. Ils m’ont donné une copie du seul portrait qu’ils ont conservé et m’ont fourni énormément de renseignements et même des inédits, rédigés de la main d’Anselme. 

Je suis étonné que personne n’ait eu, avant moi, l’idée d’une telle recherche. Ce livre m’a demandé des mois de travail mais je suis heureux de l’avoir écrit et les descendants de Bellegarrigue furent contents de cet hommage rendu à leur ancêtre. 


En 2016, Deux sorcières en Bas-Poitou (éditions La Geste) fut la publication concrétisant, également, plusieurs années de recherche mais au cœur de ma famille. Dans un de ses ouvrages, sur les magistrats et les procès de sorcellerie au XVIIe siècle, l’historien Robert Mandrou mentionne, en trois-quatre lignes, le procès de deux femmes du peuple, survenu à Fontenay-le-Comte, en 1644. Il est dit qu’elles furent condamnées au bûcher puis graciées en appel. Il n’y avait pas d’autres renseignements si ce n’est que l’une s’appelait Marie Perraudeau et qu’elle était accompagnée de sa fille, Françoise. La généalogie familiale remonte effectivement vers les deux femmes, dont on savait rien. J’ai alors entrepris une recherche sur elles, en m’appuyant sur les archives de Vendée qui ont numérisé la partie des registres paroissiaux de cette époque qui était conservée. Fut, également, fort éclairante une recherche sur le phénomène de la sorcellerie et sur ceux que l’on nommait les jeteurs de sorts. J’ai enfin appris beaucoup sur la condition du petit peuple du XVIIe siècle et sur le rôle des « élites » municipales des communes de l’Ouest.


En 2022, l’écriture de Guillaume le Troubadour (La Geste) constitua une nouvelle aventure littéraire. Cette fois, le contexte historique est celui de l’aube du XIIe. C’est l’apogée d’un monde, celui des chevaliers, celui des provinces disposant d’une certaine autonomie. Peu après, les capétiens, Philippe II Auguste, Louis IX (Saint Louis) et leurs descendants, se taillèrent – à l’épée – un costume national à la dimension de leur ambition centralisatrice.

En 1100, le comte de Poitiers se nomme Guillaume. Il est l’héritier d’une longue série de Guillaume. Ils portent le titre de comte de Poitiers et duc d’Aquitaine. Le septième comte poitevin règne depuis une quinzaine d’années sur le Poitou mais aussi sur l’Aquitaine et une bonne partie de l’Ouest du royaume. La durée de son règne est exceptionnellement longue : quarante ans. Il participe à la première croisade. Il est, en permanence, en opposition avec le pouvoir, critique à l’égard du roi car il est plus puissant que le capétien. En but avec l’Église, il est excommunié à deux reprises. Il est le grand-père d’Éléonore d’Aquitaine, qui fut reine des Francs puis des Anglais, et l’arrière-grand-père du célèbre roi-chevalier Richard Cœur de Lion.

Guillaume VII est, surtout, considéré comme un novateur : il écrit des poèmes, non pas en latin, la langue habituelle de l’Église et des puissants, mais dans la langue parlée alors en Poitou, un occitan ancien. À ce titre, il est considéré comme le premier des troubadours. 


Rédiger cette biographie m’a vraiment intéressé, car il s’agit d’un personnage très oublié qui fut totalement hors de l’ordinaire à son époque... et qui le reste encore maintenant. Ce novateur écrivait en octosyllabes et la poésie française, depuis François Villon jusqu’à Léo Ferré, a mis sa versification à l’unisson de celle de Guillaume. Nous lui devons à peu près tout. 









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